entre les flammes (jo)

elle mord, la pute, aux promesses jolenéennes. croit, en un instant de déraison, qu'elle soit susceptible de lui rendre la passion. alors elle risque, à quoi t'es prête ?, mais la pépée en vogue ne mord pas l'appât. pourtant, l'hameçon augurait gros. un exutoire, peut-être, comme cette-dernière l'espérait. elles ne le sauront sûrement jamais. parce que l'évidée ne peut s'encombrer d'un cœur qui n'est pas prêt à saigner pour elle. « de l'argent ou de quoi oublier ? » perdu. elle ne sait pas lire, jo, l'argot abscons qui s'écrit entre les déchiquetures d'organes. elle ne voit pas, la lime à ses pieds qui lui permettrait de polir le myocarde anguleux. d'en égriser les arrêtes incarnat, acérées et saillantes. d'en adoucir l'aigreur. « ni l'un ni l'autre. » répond-t-elle sans rendre un sourire. le cash et la came n'achèteraient que nikita et son inanité. et jolene n'y trouverait aucune fierté. parce qu'il est facile, de corrompre un corps cadavre qui n'a pour culte que les cendres de coco. n'aspire-t-elle pas à de captures plus précieuses ? je ne veux pas de quoi oublier, jolene. je veux de quoi me rappeler. comme j'étais libre, sans cocaïne. comme j'étais vive, de mes vices originaires. je veux retrouver une nouvelle essence, plus cuisante, plus extrême, plus exaltante que mes anciennes. plutôt que de la gaver de poudre, eden préférerait que la gamine en fasse chuter un bloc. qu'elle déclenche l'avalanche, l'éboulement de ses parcelles de néant, qu'elle fasse s'écrouler sa consomption en cascade. pour la dégivrer. l'embraser des vestiges de ses flammes lucifériennes. lui rendre le pouvoir de brûler du bout des doigts. c'est ça qu'elle attendait, pour partir avec elle. « laisse tomber en fait, mon indépendance n'est pas à vendre. » elle achève enfin, convaincue. son indépendance n'est pas à vendre, elle est à cambrioler. à mériter avec l'aplomb, l'effronterie. à exiger comme un acte de révolution. il faut s'infliger à eden, pour qu'elle daigne s'intéresser. le vert et la blanche ne suffisent pas. elle y a cru, mais c'est échu, elle ne s'exilera pas avec la fougueuse. pour posséder son rien, il aurait fallût qu'elle soit seulement prête à tout.

alors elle va lui caresser les cuisses et les cheveux, lui confesser trois secrets sans sapidité, puis elle finira par foutre son salaire entre ses seins qu'elle n'aura pas touchés. elle rentrera contrariée d'avoir pu penser rencontrer une étoile contraire, qui ne fera finalement que lui filer entre les doigts. et elle se couchera dans l'obscurité. éclipsée encore par des astres qu'elle ne sait plus posséder. « les hommes... » soupir qui la ramène avec elle. alors qu'eden s'est éteinte. il n'y a plus que la putain pour rester, attendre son dû, et se casser. « il m'a pris un homme. » se révèle-t-elle, aussi amante déchue. « enfin, c'est de ma faute. c'est moi qui l'ai laissé se donner à la mort. » elle précise en laissant maintenant penser qu'elle aussi, doit sûrement voir des fantômes. « dur. » juge sa futuriste, un peu austère. les doigts quittent ses cheveux pour une nouvelle cigarette. la blonde se réinstalle en se distançant d'elle, alors que les mots s'apprêtent à leur faire partager une plus grande proximité. « donc là tu cherches à fuir l'innocence d'une ville ? si comme tu dis, c'est de ta faute, alors le queens ne t'a rien pris ; t'as volé ta culpabilité toute seule et tu ne t'en déchargeras pas ailleurs. » elle décrète, avec des mots qui lament. j'sais ce que c'est, jo, que d'aimer à en mourir. ils l'ont fait, pour moi. mais je ne les ai jamais aidés à partir. j'aurais tout fait pour les garder à mes côtés. tout fait pour vivre de leurs vivants à jamais. elle se sent coupable, la môme. mais rêve encore. et l'émotionnelle peine à se connecter à son reflet damné, capable, à son contraire, d'aucun émoi. « ouais, quelque chose comme ça. ou on peut aller aux bahamas, si ça te tentes plus. les plages sont sympas de ce qu'on dit. » nikita reste aphone, marque un moment d'impassibilité, fait tomber son regard des yeux de sa cliente aux particularités de son visage. elle la contemple un instant. puis reprend. « tu ne couches jamais avec les putes que tu te payes ? faudrait peut-être que t'essaies. pas avec moi, tu vois bien que je n'ai rien de bon à t'apporter. non, je te conseille plutôt les jolies âmes dont tu pourras t'amouracher ! t'es jeune, t'as le temps de vaincre la mort plusieurs fois encore, tu verras. » elle souffle sa fumée. « je ne partirai pas avec toi, ma douce. la prochaine fois, trouve le numéro d'une fille perdue. moi, je sais trop où je me trouve. » et c'est surtout qu'elle sait, qu'elle n'ira plus nul part. « mais si jamais, on peut quand-même voyager ensemble sans bouger d'ici. t'as quelque chose ? » jolene a le choix, abandonner ou lutter encore. partir d'ici sans elle, ou bien s'évader un peu ici avec. poudre, morphine, opium. qu'importe tant que ça désarme la camée. sinon la pauvre ne fera plus face qu'à la monstrueuse créature humanisée. contrariée d'un caprice qu'on ne lui a pas cédé.

@jolene weisz   

on s'oublierait
pour quelques grammes


la chimère s'est parée d'illusions ce soir, jouerait avec ses failles et celles des autres si elles ne s'abîmaient pas aussi intensément. si tout ne partait pas en fumée dès que la délivrance se fait trop proche, si la cendre de leurs vies humaines ne se déposait pas sur les creux de leurs visages dans une douce torpeur qu'ils ne connaissent plus. alors jolene se fait un semblant de fantôme, une âme qui erre en quête de rédemption, prisonnière des engagements faits aux défunts, une meurtrière aux rétines trop insatiables. gravé sur le front en lettres capitales. je l'ai tué. l'encéphale ne rêve plus que d'un pardon divin, que la lumière des astres s'allument en sa direction une nouvelle fois, d'une énième pulsion de vie qui la maintiendrait à flots, mais l'épave est déjà bien trop érodée par le sel des larmes, par leurs mots laissés dans le vide. le queens se fait témoin de ceux qu'il abîme, de ceux dont il abrite les passions et de ceux qui ne vivent plus, les spectres errent et se délectent de leur propre malheur, agacés par ce qu'ils n'ont plus. pourtant, le myocarde n'a pas arrêté de battre, il continue à s'épuiser dans cette course à l'essence mortelle, dans ces frissons trop manquants, dans les dernières sensations qui persistent à se graver dans la chair, dans les os, dans l'être tout entier comme de l'arsenic créé spécialement pour l'occasion. si l'utopie paraît si réelle, c'est que jo en est la créatrice, la fondatrice de ces mensonges d'une fausse douceur qu'elle distribue à ceux qui lui échappent, qu'elle fabrique dès que l'héroïne accourt dans le sang et l'empoisonne. ton indépendance n'a jamais été à vendre, peu importe le prix tu n'serais pas venue. mais ils n'en veulent pas. ils n'y croient pas. ils arrivent toujours à s'extraire de son emprise maudite, ils savent que jo n'est qu'une gangrène aux envies délurées. qu'une consommatrice de poudre, de caresses achetées. et nikita, malgré ce que la môme pensait, n'est pas aveugle de ces charmes promis, de ces paroles d'un ailleurs auxquelles elles n'accèderont pas, déchues, l'une plus que l'autre. comment pourrais-je te rendre à la vie si moi-même je n'y arrive pas? comment penses-tu que j'aurai pû être un échappatoire? et inversement.

le regard agacé se pose sur la silhouette de l'astre fané, sur celle qui refuse les douces fictions proposées, déçue ne pas avoir réussit à lire entre ses failles et d'être tombée dans la duperie d'avoir exposé les siennes, d'avoir rouvert les écorchures pour montrer le noir qui les composent sans que le leurre ne fasse effet. jo n'a toujours été qu'un mythe, qu'une sorte de néant aspirant les autres et s'en pardonnant, qu'une gamine qui se tue aux espérances qui n'arriveront jamais, une chimère faisant office d'imposture. une imposture drôlement bien ficelée, même si imparfaite, mais existant au travers des autres. les prunelles de la blonde s'en sont allés dans un vide profond, et les mots ne suffisent plus à attirer son attention, à la plonger dans un état de conscience suffisant, seule la putain reste, immobile, sévère. qu'est-ce que t'en sais? qu'est-ce qui te dis que l'ailleurs ne me changera pas? peut-être que j'arrêterais d'être une autre là-bas. qu'est-ce que tu sais de celui que j'ai perdu? rien, rien, rien. ce ne sont pas les trois mots que je prononce qui t'aideront à lire en moi. t'en sais rien. qu'elle annonce, imitant le ton tranchant et le regard ascète de celle qui vient de lui couper les ailes, la chute s'annonce d'une brutalité sans pareille lorsque les simulacres se font détruire en pleine formation. pourtant, un drôle de sourire s'empare des lippes, non, ce n'est pas la chaleur des corps qu'elle recherche jo, mais leurs mots doux, leurs envies d'un lointain, tout ce qui la déchargerait de cette culpabilité qui ronge son crâne. à quoi ça servirait d'aimer les âmes qui sont innocentes? j'préfère celles qui sont abîmées. et puis, mon offre tient toujours, si jamais. on s'retrouvera un jour sans doute. même dans une dizaine d'années, si on est toujours là, elle tient. j'pourrais t'attendre, mais tu n'veux pas de moi. jo n'est pas de ceux qui restaure les fissures, elle est de ceux qui les observe, les contemple mais jamais, elle ne leur redonne une essence de vie, jamais elle ne les fait vivre une seconde fois. tiens. qu'elle prononce, doucement, tenant un sachet de poudre blanche, et de cachets colorés qui anesthésient, et font trembler la réalité qu'ils prennent le soin de vouloir détruire. alors elle pose les billets promis sur la table, le dû espéré. tu peux t'enfuir maintenant.

@nikita aleïev       

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- - can't you see sometimes your words just hypnotize me

c'est une rencontre qui désoriente. eden a été sollicitée par un halo funèbre, l'écho de son propre martyre, aussi damné, aussi funeste qu'elle. jo s'habille de supplice, se cèle de son calvaire, porte la souffrance de pleine conscience. elle miroite du fatum de la putain, arborant sous ses belles ailes veules le désastre irréparable d'une vie. et elles sont là, les maudites, les anges de leurs amours fantômes, à se morfondre sur terre, à creuser leurs tombes un peu plus profond chaque seconde. à crever d'ennui en attendant qu'on les légitime à voler. alors elles attendent ensemble, s'apprivoisant à la façon d'oiseaux moribonds, qui chantent et crient en même temps. elles partagent des rêves qui finissent cauchemars, et l'atmosphère devient plus pesante. difficile de chatoyer lorsqu'il n'émane que du grave. lorsqu'il n'y a rien à se raccrocher, si ce n'est que des débris d'os dépecés. et c'est l'histoire d'une catin cadavéreuse et de sa cliente croupissante, qui n'arrivent l'une comme l'autre à réveiller leur pareille.

« ton indépendance n'a jamais été à vendre, peu importe le prix tu n'serais pas venue. » c'est vrai. vrai, parce que jolene a une force de jeunesse qu'eden n'a plus. elle voudrait partir, se divertir, disparaître dans un ailleurs qui voudrait bien d'elle et oublier son passé. sa culpabilité. trois ans plus tôt, peut-être qu'elle serait partie avec elle, la danseuse. mais l'étoile des podiums ne vend plus que des danses charnelles, et l'épilogue a déjà clamé le clou du spectacle, la conclusion de son œuvre. elle n'a plus le cran de combattre, eden. plus envie de jouer, de partir s'aventurer loin de son cimetière pour y faire fleurir de nouveaux jardins. elle a plus la bêtise d'y croire encore. plus d'aspiration à rien. son esprit étouffé dans son corps évidé. il n'y a que nikita pour transparaître. qu'elle pour faire la pute, faire saigner son nez, et recommencer. et elle finira comme elle, jo, si elle ne s'envole pas toute seule. si elle attend là qu'une fille de peine daigne fuir avec elle. « qu'est-ce-que t'en sais ? t'en sais rien. » elles sont loin, les ambitions brésiliennes. des baies suprêmes et des étendues sableuses idylliques, ne reste qu'une nécropole. invoquée par ces deux éteintes qui ne voient pas le monde pareil. payée à être censée apaiser l'agonie d'une âme meurtrie, eden persiste à la désillusionner. j'sais que tu t'en tireras pas, ma douce, si tu continues de compter sur des filles comme moi. « alors t'as qu'à partir, si tu sais plus que moi. pourquoi t'es encore là ? » si tu penses te pardonner ailleurs, que fais-tu encore ici, jolene ? je ne croirai pas si tu me dis que tes envies d'évasion ne t'assènent pas la tête à chacun de tes réveils. alors va voir de toi-même que j'avais raison. que comme moi, t'es vouée pour toujours à la perdition. c'est la friction de deux chimères qui ne crachent pas les mêmes flammes. l'incompatibilité d'estropiées qui ne savent réparer. « à quoi ça servirait d'aimer les âmes qui sont innocentes? j'préfère celles qui sont abîmées. et puis, mon offre tient toujours, si jamais. on s'retrouvera un jour sans doute. » un jour sans doute, à l'étage du dessous. niki n'est plus qu'à un pas de sa mort physique. alors elle se tait. ne peut rien faire pour consoler la gamine. se contente de proposer un voyage psychique. si elle en a les tickets. « tiens. » sachet et billets. jolene ne mentait pas. la cartésienne s'empare avant tout des seconds, qu'elle préserve à l'abri. et la camée se sert dans le pochon, avalant en première une pilule colorée. elle s'élève, s'asseyant sur ses propres genoux, tentant sa cliente du cachet qu'elle a pris pour elle entre ses doigts. veut lui donner la becquée, à son oisillon torturé. « ouvre la bouche, on va vivre. » elle soumet tout proche d'elle. viens on va faire semblant, jolene. et je rentabiliserai les trois quarts du temps payé que t'as perdu avec mon être ankylosé. si elle ne peut pas la suivre loin du queens, elle peut au moins voyager avec elle dans cette nuit. et peut-être qu'en s'éveillant des mêmes stupéfiants, elles se calqueront enfin sur une même longueur d'onde.

@jolene weisz