pousser comme une ortie parmi les roses.

01/ gamine jolie comme un cœur, elle a les yeux qui brillent et regarde tout avec émerveillement. c’est assez magique le regard d’un gosse. ce regard qui découvre le monde. à cet âge-là, le champ des possibles est infini. à cet âge-là, tout est possible. à cet âge-là, on croit à ce qui n’existe pas. à cet âge-là, on veut être vétérinaire, astronaute ou princesse. et tout semble envisageable. pourtant, quand on est haut comme trois pommes, la vie est déjà injuste. gamine craquante. pourtant, dans son sourire, il y a déjà la triste réalité de la vie. les séquelles de la veille, de ces images trop violentes pour une petite fille de cinq ans. de la vaisselle qui éclate contre le mur. maman qui crie, maman qui pleure, maman qui s'effondre. papa qui ne reviendra plus. 02/ les morales ne sont pas des gamins comme les autres. trop bruyants. trop agités. parfois même trop violents. évités, jamais invités. alma, elle était trop jeune pour comprendre pourquoi son père s'est tiré. ni pourquoi sa mère semble toujours être dans les vapes. les mamans de ses copines ne font pas ça. ces mêmes mamans qui demandent à leurs filles de ne pas rester avec elle à la récré. elle ne parle pas beaucoup, mais elle voit tout. elle aimerait bien être comme les autres. que ses parents viennent la chercher après les cours. qu'ils lui préparent ses gouters. qu'ils lui demandent ce qu'elle a fait de sa journée. mais elle doit faire avec le peu qu'on lui offre. 03/ aussi loin qu'alma s'en souvienne, ses parents n'ont jamais rempli leur rôle. elle n'a jamais eu de repère. de point fixe rassurant. entre un père aux abonnés absents & une mère toxicomane, la brune n'a pas été gâtée. bien au contraire. elle s'est élevée seule avec ses frères et soeurs.  ça n’a pas été facile. rien ne l’a jamais été. mais tout ça n’a fait que les rapprocher. pour alma, sa famille, c’est sa tribu. elle serait prête à tout pour les siens. à mordre. à sortir les griffes. ses frères et elle ne sont pas spécialement démonstratifs de leurs sentiments. ils ont grandit à la dure. ils ne font pas dans la dentelle. mais ils savent qu’ils s’aiment et qu’ils pourront toujours compter les uns sur les autres. 04/ au lycée, lorsqu'elle ne sèche pas, alma s'assoit toujours au fond de la classe. elle bavarde, parfois. mais, elle passait la majorité de son temps à rêvasser - ou à dormir, parce qu'elle fait aussi la fête en semaine. les cours, ça n'a jamais vraiment été son truc. elle n'aime pas ça. le système. le fait d'être jugée sur sa capacité à retenir bêtement des informations, plutôt que sur sa créativité. alors, elle ne fait pas forcément d'effort. elle est là juste pour agacer les autres. et elle prend un malin plaisir à le faire.  05/ avec les mecs, ça a toujours été compliqué. alma a toujours enchainé les relations foireuses au collège. avec le modèle de couple que lui offraient ses parents, elle n'a jamais vraiment eu de raison de croire en l'amour, alors dès que tout allait bien avec un garçon, dès qu'elle tenait trop à lui, elle avait tendance à tout gâcher. parce que, à ses yeux, ça ne peut pas marcher. quoiqu'elle fasse, on finira par la prendre pour une conne, comme sa mère. et elle n'a pas envie de finir comme elle. pour compenser, elle se jette dans des bras sans le moindre émoi, juste pour combler son indicible vide. des bras qui la désirent autant qu’ils la rassurent. quitte à choisir, elle préfère être désirée sans amour, pour qu’il n’y ait vraiment rien. 06/ visage de poupée, silhouette de mannequin, alma attire beaucoup les hommes, parfois prêts à tout pour l'avoir. elle en prend vite conscience. elle n'y voit rien de poétique ou de transcendant. c'est tous les mêmes. manipulatrice, elle en profite, sans aucun scrupule. elle joue la nana difficile d'accès. la gosse de riche un peu capricieuse sur les bords, celle qu'elle a toujours rêvé d'être, parce qu'il ne faut pas faire tâche le décors. elle pêche les gros poissons au lasso. les mène à la baguette. scarifie leur carte bancaire sous une fausse identité. puis les jette quand elle n'a plus rien à leur soutirer. 07/ alma fait souvent la fête. ce n’est pas tant qu'elle adore sortir. son problème c'est qu'elle ne sait plus rentrer. alors, dès que la nuit tombe, pour éviter d’être seule face à sa télé, son écran d’ordi, celui de son portable ou ses questions métaphysiques, elle sort. elle ne s’amuse pas forcément, c’est juste qu'elle ne sais pas s’endormir. et ce n’est pas nouveau. elle a toujours fait beaucoup de cauchemars. ses nuits ne sont pas forcément plus belles que ses jours. elle tente juste d’épurer ses angoisses et tes doutes. de la catharsis bas de gamme entre volutes de fumée et vodka diluée. elle connait la désolation sordide des boîtes de nuit, elle la portes dans son sourire figé. & pourtant, ne sachant où aller, elle y va. pas en quête de sens. juste pour la forme.